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Esotérisme, politique et philosophie

Il y a eu une guerre le 6 mai, et nous l’avons perdue

Par Spartakus FreeMann

Quand les loups arrondissent les angles autour de la pierre cubique.

 « Dans le milieu même de l’éso, il y a – je l’affirme – deux camps qui ne peuvent cohabiter. Non ! Il n’y a pas – il n’y a jamais eu – de fraternité avec ceux qui un jour vous cracheront leur haine toute fraternelle dans la gueule ; non, il n’y a pas de grandeur d’âme à accepter de partager la salle humide avec une raclure raciste et fasciste – fut-elle pseudo-initiée »

 Un sur cinq, mauvaise réception… Deux personnes sur dix dans la rue… C’est peu, c’est trop. Tout le monde se félicite que la blondasse soit écartée – cette fois au moins. Tout le monde pousse un gros soupir de soulagement.

Après, il y a Charybde et Scylla : un petit nerveux, vulgaire et pas populaire ; et son clone mou, ravalé de la façade et diplômé Dukan. Excusez du peu, le réveil est dur.

 Il y avait un choix ce 6 mai, et ce choix devait se faire en avril. Rendez-vous raté ; électeurs ratés, demi fausses couches démocratiques – le joli maux que voilà ! Apeurés et aveugles, ils titubent vers l’isoloir, le confessionnal de leur haine, de leur humanité décomposée. On ne peut pas leur en vouloir – je me fracasse avec le caillou avant de leur jeter – 10 heures de purée inconsistante, de faux-semblants, de démarches titubées, de castrations minutées pour se réfugier dans l’adoration d’un écran plat. Chemin de mort, mais pas tout de suite. Non, d’abord il faut vivre effrayé le plus longtemps possible. Faire tourner la machine aussi – cette finalité qui fait avancer.

On s’indigne dans les villes du monde, mais pas en France ; pas trop ou alors trop peu. S’indigner c’est bien, c’est le premier pas vers les coups, la taule, les emmerdes. Ce moment délicat du début du voyage vers la fin de l’ennui. On s’indigne, on prend des coups, puis on continue. On se révolte, on hurle avec ses poings, voyez-vous. On ne se contente plus de défiler en rond sous l’œil amusé des médias, on se répand comme la peste, au mieux.

 Mais la suite, l’orgasme, s’annonçait trop prométhéenne ; alors on s’arrête de se fâcher et on avance dans le rang vers le défécatoire d’une démocratie — qui ne l’est plus, ou alors je suis con, entendez-moi. Encore, les groupies du conducator de Neuilly, on les comprend ; les planteurs de radis aussi – il pleut, voyez-vous, le jardin peut attendre ; les socialistes de la place des Vosges, un peu que je les comprendrais si je ne les conchiais ; les chanteurs de la Marine à la croix de fer aussi — ils ont l’œil malin eux : prendre le parlement légalement, mes petits, comme le moustachu de Bohème. Mais moi, toute cette masse, cela me répugne, cela me donne la nausée – mais qu’ils crèvent sur place avant de tirer le rideau et de commettre l’irréparable !

Alors voilà que le mal est fait. Les indignés exultent devant les résultats, les néo-gauchistes se félicitent avec toutes les forces vives de la contestation au système létal actuel. Les cons ! Je les veux morts encore. Leurs grands yeux hébétés, je vais leur arracher moi, et ce sourire puant dévoilant des dents blanches, je vais le sceller au bec benzène ! Ils ont, ces débiles !, donné un cinquième de leur substance vitale à l’Hydre et ils semblent s’en arranger, presque jubilatoires, ces cons ! La Seine de la pensée de l’Élysée peut bien reprendre le programme de l’autre là, sa Blonditude bientôt écarlate, et la pâle copie, le Nounours barbituré revampé en minute-man, il suivra bien aussi.

Entendez-moi : la guerre a été perdue ce 6 mai. L’un ou l’autre, qu’importe ! c’est votre défaite. Trop tard. Il fallait cesser de s’indigner et monter aux barricades. J’y aurais bien vu le Sub-commandante aux côtés d’une troupe de black-blocks ; mon côté romantique, ça.

 Mais non, rien n’a eu lieu, bande de couillons, rien ne se passera. Lundi prochain vous serez tous fidèles au poste – bars PMU, petits bureaux stasiques, enfers gris des villes – les yeux rouges, un peu étourdis, mais sereins, contents, imbéciles heureux d’être toujours enculés.

Et moi, qu’est-ce que je viens foutre dans ce bordel ? Je ne suis pas français ; je n’ai pas de carte d’électeur. Socialo-putrides ou libéro-génocidaires, ils ont gagné – et la Fille à Papa aussi, et le Borgne doit bien rire. Le grand gagnant de ces élections ce n’est pas un système économique ni une weltanschauung apocalyptique, le démocrate couronné cette année c’est la Peur. La vôtre, la nôtre.

 Et donc ? Qu’est-ce que je fous là, à écrire et à vous écrire d’abord ? La Chaos Magic n’est pas anarchiste ou libertaire, gauchiste ; merde ! on s’en tape ! Eh bien non, je le croyais aussi, j’espérais que la Chaos pouvait être apolitique. En fait non, je me mentais, j’ose vouloir la Chaos insurrectionnelle, sauvage, anti-démocratique (sans le sens qu’on donne aujourd’hui à cette absence de pouvoir du peuple). On s’est bien amusé à philosopher dans le fumoir, rêvant que cette bouse ne nous tomberait pas sur la tête. Eh bien non, c’est raté.

 Le mouvement de la Chaos que nous représentons tous individuellement ne peut pas être passif face aux dérives actuelles. Il ne s’agit pas de politique, mais de survie – survie de l’Être humain, survie d’une Idée, survie de la Joie, ne serait-ce que cela.

Un monde qui sombre béatement dans une mauvaise préquelle de 1984 et où la normalisation du discours nous veut repliés sur nos vesses, à nous regarder la blancheur de la queue, et nous, Chaotes, devrions nous contenter de nous astiquer le sigil en fermant bien fort les yeux ? Si c’est cela, alors la Chaos a crevé avant que d’être.

 Que croyez-vous ? Que ceux d’en face – les adulateurs de la force et de l’ordre, ces fans de la blondeur et de la baguette labélisée France bien de chez nous – se complaisent dans l’inaction ? Dans le milieu même de l’éso, il y a – je l’affirme – deux camps qui ne peuvent cohabiter. Non ! Il n’y a pas – il n’y a jamais eu – de fraternité avec ceux qui un jour vous cracheront leur haine toute fraternelle dans la gueule ; non, il n’y a pas de grandeur d’âme à accepter de partager la salle humide avec une raclure raciste et fasciste – fut-elle pseudo-initiée.

J’en vois déjà – là, là-bas, oui – qui se gaussent dans l’enfermement d’une pose grandiloque et blasée : « la politique, c’est de la merde, on s’en tape ».

Merde toi-même ! Non, on ne s’en fout pas, car, l’inaction, la peur, la chiasse existentielle qui débouchent sur ce 6 mai et son résultat en forme de reflux de gogue, c’est bien notre faute à tous.

Et lorsqu’on frappera à votre porte, un jour, vous saurez que vous n’avez rien fait. Quand votre mode de vie tellement hype, cool, trop rebelz attitude deviendra leur terrain de chasse, vous pourrez alors jurer vos grands dieux que la « politique, c’est pas pour vous » et vous en prendrez plein la gueule.

La guerre est perdue depuis ce 6 mai, alors à quoi bon ? La Chaos plonge mythiquement, par des voies mystérieuses et faussées, dans la révolte instinctive contre le monde tel qu’il nous est imposé. Si ce monde devient plus horrible encore, notre devoir n’est-il pas de nous révolter plus encore ? De cesser d’accepter les compromis et compromissions avec le « camp d’en face », de cesser de croire en l’universalité de la tradition quand les loups arrondissent les angles autour de la pierre cubique, quand des Empereurs bouffons d’ordres anti-initiatiques se lancent dans une propagande chiasseuse, quand le complot judéo-maço-illuminato-rap devient le prétexte à une chasse aux sorciers – oh ! vous m’entendez encore ? Quand on accepte de lire, tous les jours, des délires racialistes, xénophobes, des discours puants à faire frémir nos fusils, mais… Mais que l’on ne fait rien. Qu’on accepte, qu’on normalise les choses en les enrobant dans une neutralité / neutralisation pseudo-initiatique…

 Alors, moi le petit Spartakus FreeMann pamphlétaire de salon, épiscope chaote, mage divaguant, compagnon noir, je soliloque — vieux con ! au spectacle de cette Walpurgis Nacht qui pourrait bien être notre Ragnarok.

Il y a eu une guerre le 6 mai, Spartakus FreeMann, 2012.

Chaostar près d’une poubelle, Spartakus FreeMann, 2012.

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