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Left Hand Path

Histoire d’FS [2]

Par Melmothia

Erratum : Dans la première partie de cet article, je suis allée un peu vite en besogne en attribuant la paternité du FOGC à Franz Bardon. Il semble que la première mention de cet ordre se trouve sous la plume de Quintscher dans le « Denu Val Gumas » publié en 1928, à Memmingen. Voir à ce sujet la traduction donnée par Abraxas de l’ouvrage « Les rituels de la F.O.G.C », par Frater Daniel (Guido Wolther) disponible ici. Par ailleurs, j’avoue être passée à côté de l’influence des mouvances adonistes sur la Fraternitas Saturni. Merci à Abraxas de m’avoir rappelée à l’ordre. L’adonisme fera sans doute l’objet d’un article ultérieur sur ce site.

Retour in Uranus

« Chaque ère et chaque époque contient les ressources nécessaires à son propre accomplissement » – Aythos (Jananda).

5/ La plus grande originalité de la FS réside dans le développement et l’utilisation consciente d’un égrégore comme réserve de puissance magique et guide pour la Fraternité : « Outre les enseignements généraux sur la nature du Démiurge Saturne, la FS a développé une doctrine particulière, qui lui est propre, concernant une entité liée à la planète Saturne et active sur Terre, appelée le GOTOS. C’est l’égrégore ou le daïmon propre à la Fraternité, dont le Grand Maître est le représentant. Les fonctions du GOTOS sont d’une certaine manière similaires à celles des Gouvernants Secrets dans le système de la Golden Dawn. […] le GOTOS est considéré comme une entité préexistante, mais est également utilisé comme égrégore de la loge […] qui guide l’initié vers la divinité ».

À sa fondation, la hiérarchie de l’ordre comportait une dizaine de degrés calqués sur ceux de la Loge Pansophique, mais La FS a étendu son système à 33 degrés en 1960. Les initiales du titre du 33e degré, Gradus Ordinis Templi Orientis Saturni, forment précisément le nom GOTOS. La FS adore le GOTOS sous la forme d’un buste dont la forme a été déterminée par une médium de l’ordre, Sorella Gabriele. Si ce buste, régulièrement adoré et oint d’onguents, ressemble étrangement à Grosche, c’est que le grand-maître avait le projet d’accéder à l’immortalité en fusionnant avec le GOTOS après son décès. Personne ne sait s’il a réussi son pari.

6/ Enfin, du terrible FOGC sus-cité, la Fraternitas Saturni retiendra la fragrance sulfureuse et la techno-magie : « L’un des aspects les plus originaux de la FS reste son utilisation de la technologie et d’appareillages électriques pour réaliser des rituels magiques. Ce fut l’un des centres d’intérêt des membres de la Fraternitas Saturni, comme l’étude et l’expérimentation des ultra-sons, des champs électromagnétiques, de l’énergie Tesla, de l’ionisation de l’atmosphère, des ultraviolets, etc. »[1].

La composition est une fois de plus dans l’air du temps. Dans un ouvrage portant sur l’inventeur John Worrell Keely, Theo Paijmans souligne la récurrence du motif dans l’Allemagne expressionniste : « Cette étrange fusion de la technologie et de la tradition occulte a également infecté l’industrie du film allemand et, dans quelques cas, la littérature fantastique. En 1916, au plus fort des dévastations de la Première Guerre mondiale, une mini-série en six parties, Homunculus, explorait le thème de la création d’un homme artificiel, en s’inspirant fortement des idées de Paracelse […] Trois ans plus tôt, le roman Frankenstein de Mary Shelley avait connu une réédition et, la même année, le réalisateur Paul Wegener s’était essayé à l’adaptation d’une autre vieille légende racontant la création d’un homme artificiel, celle du Golem, qu’il s’appliqua à mettre en scène à plusieurs reprises  – en 1914, en 1917 et en 1920.

L’année 1919 voit la sortie du Cabinet du docteur Caligari, un film dans lequel hypnose, mesmérisme et somnambulisme, si assidûment étudiés par le milieu occulte allemand, joue un rôle essentiel. Un an plus tard, le magazine autrichien Der Orchideengarten, l’un des premiers au monde à être entièrement consacré à la littérature fantastique et à l’horreur, publie un numéro spécial […] intitulé Elektrodamonen (électro-démons) […]. Les textes sont accompagnés de croquis étranges de machines et de démons grotesques mêlés, donnant naissance à des configurations bizarres »[2].

Une intéressante confluence de l’occultisme et de l’art qui nous incite à ouvrir une parenthèse sur un presque-membre de la FS : le talentueux Albin Grau.

Silence ! Saturne !

L’un des participants de la conférence de Weida, en 1925, fut l’artiste Albin Grau, connu sous le nomen « Pacitius ». Parfois donné comme l’un des membres fondateurs de la FS, Albin Grau ne fit jamais réellement partie de l’ordre, mais y apporta sa contribution, notamment en tant que directeur artistique de la revue Saturn Gnosis.

Né en 1884, Albin Grau est surtout connu pour avoir été le producteur du film Nosferatu le vampire (Nosferatu – A Symphony of Horror) de Friedrich Wilhelm Murnau, dont il a entièrement conçu l’esthétique, les décors, les costumes et même dessiné le story-board.

L’histoire ou la légende rapporte qu’Albin Grau eut l’idée de tourner un film de vampire alors qu’il servait dans l’armée allemande pendant la Première Guerre mondiale, lorsqu’un fermier serbe lui raconta que son père était un vampire. En 1921, il fonde avec Enrico Dieckmann, un autre occultiste, un studio de cinéma du nom de Prana Film, avec pour ambition la réalisation de longs métrages liés à l’univers de la magie. Mais la première production du studio, Nosferatu, sorti en 1922, sera également la dernière. La veuve de Bram Stoker traduisit Prana Film en justice pour contrefaçon et le studio dut se déclarer en faillite, pour échapper aux poursuites. Dans l’excellent film, réalisé par E. Elias Merhige en 2000, L’Ombre du vampire, le rôle d’Albin Grau est interprété par Udo Kier.

Durant sa carrière cinématographique, Albin Grau continua de contribuer à la FS par des textes et des œuvres picturales. En 1925, il rédigea une brève variante du Livre de la Loi sous le titre Liber I – Das Buch Der Null-Stunde[3].

Certaines sources indiquent qu’Albin Grau serait mort au camp de concentration de Buchenwald en 1942. D’autres qu’il serait parvenu à fuir le régime nazi en 1936, et serait rentré en Haute-Bavière après la guerre où il aurait vécu jusqu’en 1971.

69, année erratique

Dès 1926, l’ordre publia des « Magische Briefe » (cahiers magiques) dont certains textes furent attribués à Crowley, mais sont probablement l’œuvre de Grosche ; une quarantaine de lectures à l’attention des étudiants de la FS furent également éditées par la maison d’édition/librairie Inveha. Puis, en juillet 1928, sortit le premier numéro de la revue Saturn Gnosis.

L’ascension d’Hitler au pouvoir mit fin à l’enthousiasme : « La tempête s’abattit sur la Fraternitas Saturni, comme sur les autres loges maçonniques et para maçonniques le 30 janvier 1933, lorsqu’Adolf Hitler prêta serment comme chancelier. Dans les mois qui suivirent, l’état d’urgence fut invoqué pour dissoudre les groupes de nature soi-disant subversive, des communistes aux francs-maçons. […] La majorité des sources montre que la FS a été fermée et interdite dès 1933. La librairie et la maison d’édition de Grosche furent probablement fermées en 1934. En 1935, une seconde vague de dissolutions « volontaires » de sociétés secrètes suivit. Enfin, dans une déclaration du Reichsführer Heinrich Himmler en 1937, toutes les organisations occultes et paramaçonniques, même celles de sensibilité völkisch qui avaient, au départ, soutenu les objectifs nationaux-socialistes, furent interdites. […] Au début de ces opérations, Grosche aurait d’abord émigré en Suisse, puis à Cannero, en Italie. Il y resta jusqu’en octobre 1943, date à laquelle il fut arrêté et extradé vers l’Allemagne sous la pression du gouvernement nazi. Il fut libéré un an plus tard, et apparemment autorisé à poursuivre ses études occultes »[4].

La fin de la Guerre permit à Grosche de rassembler ses poussins. D’abord à distance, depuis Riesa, en Allemagne de l’est, puis de retour sur son fauteuil de grand maître, du bon côté du mur, à partir de 1950. Le premier numéro de Blätter für angewandte okkulte Lebenskunst sortit en avril de la même année. La revue continuera de paraître jusqu’en 1962.

Au début des années 60, la FS comptait une bonne centaine de membres, mais des désaccords internes commencèrent à se faire jour, aggravés par le décès de Grosche en 1964. Plusieurs personnes se succédèrent alors à la tête de la FS. Pour commencer une femme, Margarete Berndt, alias Roxanne, qui décéda l’année suivante. Lui succéda un triumvirat, puis des grands maîtres de moins en moins gradés, jusqu’à Walter Jantschik, alias Jananda, qui passa en un clin d’œil du grade d’apprenti à celui de grand maître en 1969. La loge de Francfort se sépara alors de la Grande Loge de Berlin pour constituer l’Ordre théosophique de la Fraternitas Saturni. La même année, les archives de la FS tombèrent entre les mains d’Adolf Hemberger, un professeur de l’université de Geissen, plus connu sous le pseudonyme de Dr. Klingsor, qui entreprit illico de les publier sous le titre Documenta et Ritualia Fraternitas Saturni. La fuite, dont l’origine demeure non élucidée, conduisit quelques mois plus tard à la démission de Jananda.

Jusque là, le groupe travaillait de façon discrète. La publication de matériel non autorisé le fit connaître au grand public, pour le meilleur comme pour le pire. Dans High Magick, Frater U. D. souligne que le matériel exploité par Hemberger n’est pas systématiquement pertinent : parmi les archives se seraient trouvés aussi bien les cours que des notes, des comptes-rendus d’expériences, etc., de telle sorte, qu’Hemberger, n’étant pas membre de la FS, aurait été incapable d’effectuer un tri pertinent. La crise eut néanmoins comme conséquence positive la réunification de la Fraternitas Saturni. Mais de nouveaux schismes éclatèrent les années suivantes, donnant entre autres, naissance à l’Ordo Saturni.

Malgré tout, la FS poursuivit sa route jusqu’à nos jours, avec des hauts, des bas, des modifications conséquentes de ses enseignements et quelques schismes qui donneront naissance à des ordres tels que l’Ordo Saturni, la Fraternitas Luminis, la Fraternitas Urani, etc. chacun se réclamant bien entendu, du véritable héritage de la FS.

Histoire d’FS, Melmothia, 2014.

Bibliographie :

Fire & Ice : The Brotherhood of Saturn, Stephen Flowers, Llewellyn. 1994 (réédité sous le titre The Fraternitas Saturni or Brotherhood of Saturn : an introduction to its history, philosophy and rituals)

Demons of the Flesh : The Complete Guide to Left-Hand Path Sex Magic, Nikolas Schreck & Zeena Schreck, Creation Books, 2002.

Encyclopaedia of the Unexplained : Magic, Occultism and Parapsychology, Richard Cavendish, 1974.

Le site de Peter-R. Koenig propose plusieurs articles sur la Fraternitas Saturni.

High Magic II: Expanded Theory and Practice, Frater U. D., Llewellyn, 2008.

Le site officiel de la Fraternitas Saturni (en allemand) : http://fraternitas.hostcube.ch/home.htm

NOTES :

[1] Fire & Ice : The Brotherhood of Saturn, Stephen Flowers, Llewellyn. 1994.

[2] Free Energy Pioneer : John Worrell Keely, Theo Paijmans, Adventures Unlimited Press, 2004.

[3] La version allemande est disponible sur le site de Peter R. Koenig : Das Buch Der Null-StundeMarkus Haverkamp en a donné une traduction anglaise sur le site Lashtal : Liber I, The Book of the Zero-Hour

[4] Fire & Ice : The Brotherhood of Saturn, Stephen Flowers, Llewellyn. 1994.

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