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Maladie de l’Ego

Tu sais comment fonctionne un virus ? Il s’introduit dans une cellule et en modifie le code afin qu’elle produise d’autres virus. De cette manière, le virus vole l’identité de la cellule en intégrant celle-ci dans le processus viral.

Si vous me demandez quelle est la phase la plus terrible de la maladie, je dirais que c’est lorsque vous avez été malade depuis si longtemps que vous n’avez plus le souvenir d’avoir été bien un jour. C’est le moment où vous avez perdu une part de vous-mêmes et êtes devenus le virus.

Les gens prennent et diffusent des mèmes [1] comme des virus. Ils sont contagieux, s’auto-répliquent comme des virus et tout comme eux, leur but est de se répandre, de grandir et de former une colonie. Nous devons être très prudents lorsque nous manipulons des mèmes car, à un certain niveau, il devient difficile de dire quelle est la différence entre le moment où nous utilisons les mèmes et le moment où ils nous utilisent.

Cela ne veut pas dire que les mèmes sont des maladies néfastes ; mais certains d’entres eux peuvent l’être si vous êtes infectés, obsédés et investis.

L’un des mèmes les plus envahissants et répandus qui soient dans ce monde moderne est le même « je suis ». Nous vivons dans une ère de surpopulation, flottant dans un océan de personnes interchangeables. Dans cet océan notre principal outil de préservation est notre sens de l’individualité – la nation selon laquelle chacun d’entre nous est unique, distinct. On aime à dire : « je ne suis pas la foule. Je ne suis pas le groupe, je ne suis pas juste un engrenage dans la machine ».

Nous nous glissons dans un costume personnel afin de nous distinguer des autres. Nous personnalisons nos identités afin de conserver un sens de nous-mêmes, une bouée se balançant dans la marée du collectif.

Mais ce mème de l’ego peut devenir une maladie. Avec modération il nous aide à nous comprendre. Dans l’excès, il nous définit. Avec le temps, cette définition devient rigide et inflexible.

Prenons, par exemple, l’étudiant moyen. Dans sa tentative à se définir lui-même, il internalise le « je suis un étudiant moyen ». Armé de cette identité, il n’y a rien qui le pousse à mieux faire. Il accepte « qui il est ». Ou bien, considérons un électeur moyen. Il s’identifie à un parti politique et, sans doute, est-il d’accord avec ce parti sur nombre de sujets. Le parti lui dit ce qu’il doit soutenir – nul besoin de penser par soi-même ici !

C’est une maladie.

La MACHINE, bien sûr, est programmée pour capitaliser sur cette maladie. Il y a une grande variété de mèmes disponibles afin de personnaliser notre identité. Quelle couleur veux-tu pour ton iPod ? Tu veux regarder quoi comme émission télé ? Tu bois du Coke light ou Zéro ?

Je ne dis pas que les gens devraient abandonner leur sens d’eux-mêmes. Mais je pense que l’on devient accro à l’auto-définition et que cela mène à l’inflexibilité. C’est là le discours de la « Black Iron Prison » – convaincre chaque individu qu’il est constitué de la boue dans laquelle nous pataugeons tous les jours.

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« Tu vois », continua-t-il, « nous n’avons que deux choix : ou nous considérons que tout est sûr et réel ; ou pas. Si nous suivons le premier, nous finirons tué par l’ennui de nous-mêmes et du monde. Si nous suivons le second et faisons table rase de notre histoire, nous créerons un nuage autour de nous, un état très excitant et mystérieux dans lequel personne, ni même nous, ne saura d’où le lapin blanc surgira ».

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Nous sommes main dans la main dans les Ruines,

L’âge de ce qui sera.

La fumée s’élève à l’horizon

Des décombres que Nous sommes

Quelles formes naîtront de cette fumée ?

Quels fantômes engendrerons-nous ?

Car nous sommes constitués de formes et de formules,

Mais aussi de scories

– extrait de Hand in hand in Aftermath.

Maladie de l’Ego. Titre original : « Ego Sickness », Black Iron Prison, traduction française Spartakus FreeMann, mars 2010 ev.

Note :

[1] Un élément d’une culture pouvant être considéré comme transmis par des moyens non génétiques, en particulier par l’imitation.

Illustration : L’amour de Pierrot. Source : Amazing Art Images.

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