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Magie du Chaos

Ras le cul des Sigils

Ras le cul des Sigils par Tezca. 

Quelques années en arrière, j’avais lu un article sur ce même site qui s’intitulait « Nécrologie : La Chaos Magick est morte ! ». Je l’avais trouvé un peu osé, essayant de me convaincre que quelque chose d’aussi créatif que la Chaos ne pourrait ne serait-ce que s’assoupir. Convaincue que l’innommable ne pourrait arriver, je tourne le dos 5min, et v’là t’y pas que Mémé Chaos se noie dans la soupe parce qu’elle a fait un malaise ! Mais pourquoi Mémé se meurt et s’endort comme ça, se sclérosant chaque jour un peu plus sur son fauteuil ? Comment en est-on arrivé là, alors qu’il y a même pas 20 piges elle sautillait tel un cabri partout ? Et bien…

Auriez-vous quelques minutes pour parler de nos tueurs les Sigils ? Je ne vais pas refaire un historique sur ce qu’ils sont, comment ce système a été mis en service, par qui, pourquoi, parce que : 1) Je vais avoir envie de m’emplâtrer dans un mur. 2) D’autres, ne serait-ce que sur Kaosphorus, l’ont fait bien mieux que moi. 3) Je vais pleurer des larmes de sang. Cet outil, très populaire et utilisé, pour ne pas dire surexploité, a longtemps été le fer de lance de la Chaos Magick. Une sorte d’étendard pouvant se voir à des kilomètres, d’hymne à la créativité (et aussi un peu au foutre quand on voit les méthodes de chargement les plus populaires.), mais aussi une porte ouverte vers le monde de la Chaos voir même de la magie tout court. Beaucoup se sont intéressés à la magie par ce biais, ont découvert les mondes occultes grâce à cet outil si simple, et efficace, que n’importe qui peut utiliser et qui ne nécessite pas d’être initié rang 3, porte 13, du 15e degré de la loge de l’Occult Circus Guignolerie. Sauf que ce qui n’était qu’un outil parmi d’autres est devenu une obligation. Attends, tu te dis Chaos Mage et tu n’as jamais fait de sigil ?! Mais tu as raté ta vie mon pauvre ami. Comment fais-tu pour faire de la Vraie Chaos si tu t’es jamais branlé sur un bout de papier ? Pire qu’une obligation, à dire vrai ! Les sigils sont devenus traditionnels. Traditionnels dans une magie qui, je le rappelle, est anti-traditionaliste et préfère bien souvent détruire et bannir ce qui commence à être trop sérieux pour notre propre bien. On se retrouve aujourd’hui inondé d’articles et de vlogs nous présentant, inlassablement et avec un sérieux qui relève presque de la procession, tout l’historique de cet outil avec plus ou moins d’informations fausses. Je vous remets un peu de Crowley ma bonne dame ? – Non merci, sans façon, je vais gerber. Tous présentent les mêmes méthodologies, encore et encore, au point que nous en arrivons à nous dire qu’une des présentations est sympa parce que le mec a bien dessiné son petit carré magique. On est en train de se payer le luxe de juger la précision du tracé d’un outil, et de la belle mise en valeur des symboles étalés sur du papier. Bientôt nous brandirons des pancartes avec une note affichée comme dans n’importe quelle compétition, jugeant avec notre œil expert la qualité de l’encre pailletée utilisée pour le tracé.

À quel moment précis nous sommes-nous fait dépasser par notre propre outil ? Quand est-ce que la tradition s’est installée peu à peu, avec une fourberie inouïe, dans la Chaos Magick ? Les sigils sont devenus une habitude, qui comme toutes les habitudes se vide peu à peu de son sens. Ils sont devenus l’initiation d’un système non initiatique. Et se faisant, il sclérose le système. Les sigils, outil bien pratique, sont devenus la Gorgone et nous avons regardé ses yeux, trop attirés par le chant de ses serpents. Peu à peu, nos muscles se paralysent, notre esprit s’éteint, et nos organes ne pourront bientôt même plus juter convenablement. Le fer de lance de la Chaos, que nous aimions tant, servira d’arme de pitié qui viendra nous percer le cœur, nous épargnant une longue, lente, et humiliante agonie.

Ou alors, pourquoi ne pas se sortir les doigts une bonne fois pour toutes ? Créons ! Créons de nouveaux outils, nos propres outils puisque je le rappelle c’est le principe de base de la Chaos, pissons sur les sigils qui nous font perdre de vue notre chemin ! Vomissons ces méthodes que l’on veut nous faire manger encore et encore, déjà digérées et vomies par un autre chaote avant nous ! Levons haut notre majeur à ces foutus sceaux et tous ensemble, tous unis, hurlons leur d’aller chercher leur branlette rituelle ailleurs. Puis rions, comme il se doit, à cette habitude que nous avons tous créé, à cette maladie insidieuse, appelée tradition, que nous avons nourrie. Rions de notre bêtise, de nos erreurs, de nos amis disparus sur le chemin et qui continueront sur la voie des sigils, devenue Voie. Rions, puis dispersons-nous, et reprenons le cours de nos existences chaotiques.

J’aime à croire que la Chaos n’est pas morte. J’aime à croire que l’individu peut encore, de lui-même, appréhender les Vérités, changer de paradigme, créer ses propres outils, sa propre foi, essayer de comprendre l’univers et rire et pleurer lorsqu’il comprend qu’il n’y comprendra jamais rien. Je voudrais cultiver, encore un peu s’il vous plaît, cet espoir que la tradition, la sclérose, l’habitude peuvent être repoussées. Que l’on peut toujours créer, même à partie de la lie que la société actuelle nous vomit dessus. Et pour cela, moi la première, je dois me sortir les doigts du fondement et briser la laisse de la facilité et de l’habitude. La Chaos nous apprend que lorsque l’on marine un peu trop dans son jus, il vaut mieux partir ailleurs avant de mourir asphyxié par ses propres gaz. Alors, détruisons cet outil. Une bonne fois pour toutes, barrons-nous de là, et s’il le faut collons-lui une grenade entre les dents pour ne pas qu’il revienne nous tenter.

Adieux les Sigils. On vous aimait bien. Allez crever seuls, et laissez nous libres.

Ras le cul des Sigils, Tezca, 2019.

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