Par Starhawk
Depuis les années 60, Starhawk est une figure marquante des mouvements militants américains. Depuis Seattle, cette activiste féministe non-violente participe à toutes les actions du mouvement pour une autre mondialisation. Ses textes, diffusés librement sur le net, tentent de répondre à deux questions simples mais essentielles : pourquoi la révolution n’est-elle pas advenue dans les années 70 ? que faire pour que ça marche aujourd’hui ? Le texte qui suit a été écrit en juillet 2001, après la tenue du sommet des Amériques à Québec en avril 2001. Il part du constat suivant : « Nous évoluons vers un territoire non-défriché, nous créons une pensée politique qui n’a pas encore été définie. »
J’ai eu des difficultés à revenir de la ville de Québec. Je le sais parce que, presque deux mois plus tard, j’ai toujours la carte dans mon sac à dos. En partie, c’était de l’épuisement, les résidus des gaz lacrymogènes, et le sentiment d’avoir traversé une bataille dans une guerre dont la plupart de mes voisins sont totalement inconscients. Mais plus profondément que cela, il y a mon sentiment que quelque chose a été déchaîné dans cette bataille qu’on ne pourra faire revenir en arrière, que sous-jacent au chaos, à la confusion, aux différences réelles entre nous et le danger dans lequel nous nous trouvions, il y avait quelque chose de si tendre, exubérant et sauvage que je ne veux pas que cela s’échappe, quelque chose qui a une senteur, un goût et une sensation qui ressemblent au monde pour lequel je me bats.
Comment nous sommes arrivés à ce sentiment d’union douce dans la rue est un mystère pour moi. Dans le feu de l’action, j’ai souvent eu l’impression que chacun des groupes impliqués était occupé soit à désapprouver énergiquement un autre groupe, soit à ignorer l’existence des autres. Les conflits concernaient surtout des points de tactique, en particulier sur la question de la non-violence. A Québec, pour la première fois depuis Seattle, une action massive et directe contre la globalisation en Amérique du Nord était organisée par des groupes dévolus à une « pluralité tactique » plutôt qu’à une ligne de conduite clairement non-violente. J’admets que je me suis attelée aux préparatifs de l’action en étant mal à l’aise par rapport au concept de « pluralité tactique ». J’ai cinquante ans : je suis une anarchiste et une activiste depuis que j’étais au collège, dans ces journées de combat de rue des années soixante. Je me suis aussi faite l’avocat de la non-violence depuis de nombreuses, nombreuses années, en partie à cause de ce que j’ai expérimenté durant les années soixante et septante, quand des groupes militants à dominante souvent masculine se réfugiaient dans les actions clandestines, le sectarisme et la lutte armée qui laissaient leur base de support loin en arrière. J’ai expérimenté les groupes d’action directe non-violents des années quatre-vingt, avec leur adhésion aux méthodes féministes et à des structures non-hiérarchiques, de loin plus émancipateurs, efficaces et libérateurs. Empowering. Ma crainte quant à la « pluralité tactique » était que cela laisse le champ libre pour que des gens fassent des choses que je trouve stupides et fausses. Ceci, dans les faits, s’est en partie vérifié – du moins, des gens ont bel et bien fait des choses avec lesquelles je n’aurais jamais été d’accord. Mais ce qui m’a surprise, c’est que cela n’a pas eu l’importance que je pensais que cela aurait.
Je croyais que les gens ne se joindraient à une action de masse que si elle avait une ligne de conduite clairement non-violente, or les gens sont venus à Québec sans en avoir besoin. Je pensais qu’un haut degré de confrontation nous ferait perdre le support populaire, mais nous avons reçu le plus puissant des supports jamais reçus de la part des habitants, parmi lesquels beaucoup nous ont rejoints ou ont ouvert leurs maisons pour nous donner de l’eau, de la nourriture et le libre-accès aux toilettes. Je pensais que les gens sans expérience de l’action directe seraient terrifiés par le niveau conflictuel que nous avons connu. Or notre groupe comprenait beaucoup de personnes qui n’étaient jamais allées au coeur de l’action avant. Le premier jour, oui, certaines étaient terrifiées. Au second jour, elles étaient plus nombreuses à être prêtes à se rendre sur la brèche. Au troisième jour, elles demandaient de meilleurs masques à gaz pour le lendemain.
Pluralité tactique
Il y a une éthique et une stratégie de la non-violence claire et facile à comprendre : c’est que la violence génère la violence ; que si nous recourons à la violence, nous devenons ce que contre quoi nous nous battons ; qu’un mouvement non-violent nous gagnera un support populaire plus grand, nous apportera une légitimité, augmentera les contrastes entre notre mouvement et ce à quoi nous nous opposons, et peut-être même convaincra nos opposants. C’est un ensemble de valeurs puissant et persuasif, auquel je me suis tenue durant des années. Mais ce ne sont pas les seules valeurs pour lesquelles j’ai de la sympathie. Certains avocats de la non-violence se prévalent de fondements hautement moraux dans toute discussion, et considèrent comme non-éthiques ceux qui sont en désaccord avec eux. A Québec, la « pluralité tactique » a signifié respecter le fait que ceux qui usent d’autres tactiques ne le font pas par manque de principes, mais selon leurs propres politiques et valeurs.
Une lutte hautement conflictuelle a ses propres principes : un haut degré de confrontation est approprié dans les situations auxquelles nous faisons face maintenant, les gens ont le droit et la responsabilité de se défendre contre la violence policière, beaucoup de personnes sont déjà en colère, et ne prétendent pas à la sainteté, et un mouvement politique a besoin d’espace pour exprimer cette rage ; l’auto-défense active peut être libératrice et pourrait même gagner des gens à notre cause ; pour mettre à bas un système économique et politique qui vénère la propriété, la propriété doit être attaquée.
Et il y a aussi une éthique derrière la « pluralité tactique », que l’expression n’évoque pas en elle-même : les gens devraient être libres de faire leurs propres choix, un mouvement non-autoritaire ne dit pas aux gens ce qu’ils doivent faire et nous devrions nous tenir solidairement aux côtés de tous, y compris ceux dont nous désapprouvons les choix.
Je ne peux rendre justice à chacune des positions en quelques phrases, et elles ne représentent en aucun cas l’ensemble des débats dans le mouvement, particulièrement quand il se déplace au-delà de l’Amérique du Nord, avec nos cultures et nos histoires politiques particulières. Mais je pense que ça vaut la peine d’essayer d’articuler ce qu’elles sont. Les débats ont continué depuis Québec. Certains proclament désormais que la « pluralité tactique » est le nouveau mot de passe, alors que d’autres veulent nous rappeler à une non-violence à la Gandhi.
Mon sentiment est que beaucoup de ceux qui sont venus à Québec voulaient quelque chose qui n’était complètement décrit ni par la « non-violence » telle qu’elle est pratiquée, ni par la « pluralité tactique ». Je parle de ces gens qui savent qu’il n’existe pas de définition gravée dans le marbre de ce qui constitue la violence, ou le bien et le mal. Qui veulent une action qui soit réelle, pas juste symbolique, mais n’en font pas l’équivalent de jeter des pierres à des policiers anti-émeute armés jusqu’aux dents. Qui comprennent que action efficace signifie que nous allons faire face à un degré plus élevé de confrontation et de répression, mais qui préféreraient faire diminuer la violence policière plutôt que l’augmenter – si le choix leur en était laissé. Qui voudraient voir s’écrouler les barrières et applaudissaient quand les grenades lacrymogènes étaient rejetées vers les lignes de policiers, mais qui savent aussi que nous sommes en danger à chaque fois que nous déshumanisons un autre groupe de personnes, même des flics. Qui ne veulent pas nécessairement chanter « Nous sommes le gentil peuple en colère » et tendre des fleurs à ces chers policiers, mais qui veulent vraiment se souvenir que sous les costumes de Darth Vador les flics sont des êtres humains qui sont capables de changer et dont les intérêts de classe sont en fait plus de notre côté que de celui de notre opposition. Et qui croient que quel que soit le comportement des flics pour l’instant, leur mettre le feu, à eux ou à n’importe quel être humain, c’est faire fausse route. Ceux qui sont volontaires pour prendre le risque d’une arrestation ou d’une blessure si nécessaire, mais qui préféreraient connaître le succès d’une action et en rester là plutôt qu’aller en prison ou être martyrisé. Qui ne considèrent pas la souffrance comme porteuse de transformations, mais souffriront volontiers si c’est ce qu’il faut pour changer ce système-ci. Qui agiront solidairement avec d’autres, avec lesquels ils sont peut-être en désaccord, plutôt que les laisser souffrir seuls. Qui veulent mettre sur pied des actions qui soient puissantes, visionnaires, créatives et libératrices. Et il y a eu beaucoup de moments, d’interludes, de réunions de telles actions à Québec, de la brèche dans le mur à notre Groupe de la Rivière dansant en spirale au milieu des gaz lacrymogènes.
Point de vue magique
Je ne suggère pas un juste milieu entre les tenants de Gandhi et le Black Bloc. Je dis juste que nous évoluons vers un territoire non-défriché, que nous créons une pensée politique qui n’a pas encore été définie. Et pour faire cela, il serait peut-être temps de laisser Martin et Malcolm débattre ensemble autour de la table du dîner, en compagnie d’Emma, de Karl, de Léon et tous les autres, et sortir dans l’air propre de la nuit. Le débat sur la « violence » et la « non-violence » lui-même peut restreindre et étouffer notre pensée. Le terme de « non-violence » lui-même ne fonctionne pas bien d’un point de vue magique. N’importe quelle sorcière novice apprend qu’on ne peut jeter un sort à partir de ce qu’on ne désire pas : les ressorts profonds de nos esprits ne sont pas très sensibles au concept de « non ». Si on dit à un chien, « Médor, je ne peux pas te faire faire une promenade », Médor entend « promenade » et court vers la porte. Si nous disons « non-violence », nous sommes toujours en train de penser en termes de violence.
Je suis assez vieille pour avoir vu beaucoup de révolutions échouer ou partir dans une mauvaise direction. En fait, pour quelqu’un de ma génération, oser même prononcer le mot « révolution », c’est comme quelqu’un qui a été vraiment très profondément blessé dans une histoire d’amour et qui oserait se risquer à aimer à nouveau. Je prends volontiers ce risque : le risque qu’on me laisse tomber, de perdre mes illusions, d’être trahie et calomniée, de même que les risques qui vont de pair, ceux d’être emprisonnée, gazée, tabassée, éjectée ou piétinée dans la rue – mais pas pour que changent simplement les mains qui détiennent les pouvoirs dans ce système. Je veux une révolution qui change la nature même de la manière dont le pouvoir est structuré et perçu, qui mette au défi tous les systèmes de domination et de contrôle, qui favorise l’émancipation de chaque individu ainsi que le pouvoir collectif que nous pouvons exercer quand nous agissons de concert, solidairement. Comme le signale un rédacteur anonyme sur le site Crimethink, « la révolution n’est pas un moment unique éloigné dans le temps : c’est un processus en cours à chaque instant, en chaque lieu, en quelque endroit où se produit une lutte entre le pouvoir hiérarchique et la liberté humaine ».
Je n’ai pas encore de nom accrocheur pour cette approche de la lutte politique. Faute de mieux, je l’ai appelée « action directe libérée » (empowered direct action). Et c’est déjà en train d’évoluer dans notre mouvement.
Le but d’une action directe libérée est de faire sentir aux gens qu’un monde meilleur est possible, qu’ils peuvent faire quelque chose pour le faire exister, et qu’ils sont des compagnons de valeur dans cette lutte. Et donc, faire naître ce monde dans la lutte elle-même, être la révolution, incarner et préfigurer ce que nous voulons créer. Une action directe libérée ne se borne pas à rejeter ou à limiter certaines tactiques : elle recherche, de façon active et créative, des actions qui préfigurent et incarnent le monde que nous voulons créer. Elle emploie des symboles à bon escient, mais est plus que symbolique : elle fait obstacle à des opérations d’oppression et propose des alternatives porteuses de confrontation. Une action directe libérée signifie faire corps avec la radicalité de notre imagination et revendiquer l’espace nécessaire pour faire exister nos visions : c’est la magie définie comme « l’art de changer la conscience à volonté ». Elle défie la structure même du pouvoir et s’oppose à toute forme de domination et à tout système de contrôle. Elle mine la légitimité des institutions de contrôle en donnant chair à la liberté, à la démocratie directe, à la solidarité et au respect de la diversité dans nos organisations et nos actions. Et elle commence avec la clarté d’intention, avant même de discuter de pluralité tactique. Ce qui signifie qu’avant de décider quelle tactique adopter, il convient de savoir ce que nous essayons de faire.
Ce que nous essayons de faire :
Faire sentir aux gens qu’un monde meilleur est possible, et qu’ils peuvent faire quelque chose pour le faire exister, et que nous sommes les bizarres sortes de personnes avec lesquelles ils veulent le faire. Construire le mouvement.
Miner la légitimité des institutions du capitalisme global des entreprises. Mettre à jour son hypocrisie et ses mensonges. Rendre visible la violence inhérente à ses structures et à ses politiques. Interférer avec sa capacité à fonctionner. Lier les questions globales aux questions locales et renforcer et soutenir la mise sur pied d’organisations locales. Proposer des alternatives qui soient créatives, attrayantes et salubres. Augmenter le contraste entre notre vision et la leur.
Revendiquer de l’espace en dehors de la réalité logo-isée, asservie et colonisée par les médias – que ce soit via Reclaim the Streets se réappropriant l’espace public (1), les Sorcières créant un espace rituel au sein de la bataille (2), les Zapatistes établissant des enclaves dans le Chiapas (3), les défenseurs de la forêt revendiquant une forêt vieille comme le monde, Ya Basta ! s’enfonçant dans les lignes de la police sans attaquer (3), le MST au Brésil relogeant des familles sur des terres laissées à l’abandon (4), manifestants mettant à bas le mur à Québec, les antipubs, les retouches sur les panneaux publicitaires (5) descente des drapeaux, ou les milliers de manières créatives que nous trouvons de le faire.
Encourager la désertion tant au sein des institutions financières et industrielles que parmi ceux qui sont appelés à faire leur sale travail, comme la police et l’armée qui agissent contre leurs propres intérêts de classe quand ils nous répriment.
Créer la société alternative. Vivre la révolution. Construire les réseaux de soutien dont nous avons besoin en tant que mouvement, et en tant que communautés locales, afin de mener cette lutte tour en commençant à explorer des façons justes et durables de nous nourrir, nous loger, nous habiller, nous abriter, prendre soin de nous et nous activer.
(1) Une ville sans voiture, de la musique, de la joie : Reclaim The Streets envahit les rues du monde entier pour montrer qu’il est possible de reconquérir l’espace public.
(2) Starhawk a contribué à créer la tribu des Sorcières d’Amérique, mouvement spirituel autant que politique. Persécutées par les autorités depuis le Moyen-Age, les Sorcières symbolisent la lutte contre le pouvoir.
(3) Depuis 1994, dans l’état du sud-est du Mexique, le Chiapas, l’EZLN (l’Armée zapatiste de libération nationale), lutte pour la justice, la démocratie, la liberté et contre le néolibéralisme. Le chef de file des Zapatatistes est le Sous-Commandant Marcos. Les collectifs Ya Basta soutiennent le mouvement. Site web.
(4) Le Mouvement des Sans-Terre (MST) au Brésil lutte pour une réforme agraire permettant à chaque paysan de gagner sa liberté. A lire sur L’Interdit « L’épopée des paysans sans terre ».
(5) Le mouvement antipubs a sa bible, le passionnant livre de Naomi Klein, No Logo. A lire sur L’Interdit : « Multinationales, la révolte : de « 501 Blues » à « No Logo » ».
Ce à quoi pourrait ressembler une action directe libérée :
Nous commencerons non pas par débattre de tactique, mais par clarifier nos intentions. A quoi ressemblerait la victoire ? S’agit-il de profit politique, de la délégitimisation des institutions ? Ou est-ce plutôt dans l’interruption de la rencontre, ou sa perturbation ? Quelle est l’importance d’une victoire tactique pour la victoire politique ? Existe-t-il une possibilité d’inspirer la dissension dans les rangs de notre opposition ? (La dissidence à l’intérieur de l’armée a été un gigantesque facteur dans la fin de la guerre au Vietnam, par exemple.) Existe-t-il des manières d’incarner une alternative dans le moment même de la protestation ? Comment faire pour que l’action ait un impact réel, pas juste symbolique ?
Dans ces discussions initiales, nous chercherons à établir le dialogue parmi un spectre de groupes aussi étendu que possible, sans qu’une organisation ou un groupe unique prenne le haut du pavé. Nous chercherons activement une diversité de races, de classes, de sexes autant qu’une diversité de philosophies politiques. Nous comprendrons qu’il n’existe pas un seul groupe ou une seule tactique qui détienne ou définisse le mouvement, et qu’il y a des moments où nous voulons nous organiser ensemble, et avons besoin de faire des compromis et de négocier, et d’autres moments où nous préférons organiser des structures parallèles mais séparées.
Nous encouragerons la formation d’amas (clusters) ou blocs, autant que de groupes d’affinité. (Je préfère « amas » à « bloc », qui sonne plus fixe et statique.) Les amas, groupes de groupes d’affinité, pourraient développer leur propres buts et tactiques à l’intérieur du cadre de l’action, se concentrant sur une question, une cible ou un type d’action spécifique. Par exemple, à Québec, le Bloc Médiéval avait amené la catapulte. Notre amas était devenu une Rivière Vivante pour attirer l’attention sur les questions relatives à l’eau, pratiquant des tactiques de rue fluides et mobiles, et mettant en action la Déclaration de Cochabamba.
Nous encouragerons le développement d’un spectre de cibles, tactiques et stratégies qui incluent de nombreux degrés de risque. Des tactiques de rue mobiles aussi bien que des barrages. Art, musique, danse, marionnettes, rituel, théâtre de rue, processions, parades, toutes les choses que nous faisons déjà, et des choses auxquelles nous n’avons pas encore songé. Diversions et surprises. Humour. Faire l’inattendu. Ne jamais être ennuyeux, tiède ou stéréotypé. Nous ferons de notre mieux pour orchestrer nos différentes approches, pour en négocier le temps, l’espace et les cibles, pour les rendre plus efficaces.
Nous comprendrons aussi que plus les tactiques relèvent de la confrontation, plus le message se doit d’être clair, et plus nous devons être sûrs que nous avons une base de support pour les tactiques que nous employons.
Nous accepterons que nous ne pouvons pas nécessairement faire nos actions en toute sécurité. Nous ne contrôlons pas la police, et ses réactions ont connu une escalade y compris pour les actions clairement non-violentes quand elles sont plus que symboliques. Mais les gens peuvent faire face au danger s’ils ont la préparation et le soutien, et les choix que nous faisons au coeur de l’action peuvent diminuer ou augmenter les risques du moment. Nous fournirons entraînements et préparations qui enseignent un spectre de réponses aux situations de crise, préparerons les groupes et les amas à agir ensemble, propagerons des tactiques de rue efficaces, préparerons les gens à la prison et à des actions de solidarité, et enseignerons la désescalade comme outil et option, pas comme un impératif moral. Nous encouragerons la formation de groupes d’affinité, et développerons aussi de nombreuses autres formes de soutien.
Nous mettrons sur pied des réseaux dotés de continuité pour les batailles juridiques autour de ceux qui finissent en prison, et pour aider ceux qui sont blessé, physiquement ou moralement, durant les actions.
Plutôt que décréter une série de lignes de conduite disant aux gens ce qu’il ne faut pas faire, les amas et les groupes énonceront leurs intentions quant à ce qu’ils veulent vraiment. Par exemple : « Nous mènerons cette action d’une façon qui préfigure le monde que nous voulons créer, et agirons au service de ce que nous aimons. »Nous emploierons des moyens en rapport avec nos fins.
« Nous agirons respectueusement envers cette communauté, ses foyers et entreprises, et d’une manière qui encourage tout le monde à se joindre à nous. »Nous gardons ouverte la possibilité que ceux qui sont aujourd’hui nos opposants changent d’allégeance et se joignent à nous.
« Nous protégerons et prendrons soin les uns des autres durant cette action, et agirons solidairement même avec ceux dont les choix diffèrent des nôtres. »
Ou, comme le suggère Scott Weinstein, un des médecins à Quebec :
« Nous allons créativement cibler les agents de la répression et du capitalisme – et faire en sorte que nos tactiques ne mettent pas en danger nos soeurs et frères activistes. Nous allons tenter de défendre nos espaces tels que le centre de convergence et son voisinage de toute prise ou destruction par la police. Nous sommes des guerriers pour la justice globale – et notre plus grande arme est notre solidarité les uns envers les autres et envers la planète. Et donc cette action ne prendra fin que quand chacun d’entre nous sera en sécurité hors de prison (et que la planète soit libérée). »
Par de nombreux aspects, Québec a incarné ces idées. Mais ce qui ne s’est pas tout à fait passé, à Québec, c’est ce dont beaucoup d’entre nous rêvaient : des foules de gens envahissant les barrières, les mettant à bas en tellement de lieux en même temps qu’il devienne impossible de les défendre efficacement, affluant dans l’espace autour du Centre des Congrès et stoppant complètement la réunion. Ce qui est si frustrant dans l’action, a posteriori, c’est le sens que cela aurait pu arriver – qu’avec juste un petit peu plus de coordination, un petit peu plus de confiance et un petit moins de peur de la part de tout le monde, nous aurions pu le faire.
Et nous le ferons.
En solidarité et engagement à long terme pour un monde de liberté et de justice pour
Tous.
Ce que nous essayons de faire, Starhawk
Illustration : Tranche polie de bois fossilisé de l’Arizona, -230 millions d’années. Image par Michael Gäbler. Licence CC.