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Interview de Ramsey Dukes

Par Ramsey Dukes

Ramsey Dukes est le nom de plume de Lionel Snell, un magicien contemporain, éditeur et auteur de livres sur la Chaos Magic et sur la philosophie.

Dans sa jeunesse, il a entrepris des études qui le menèrent à Cambridge où ses écrits sur Austin Osman Spare et la théorie de la magie le mirent en contact avec le jeune mouvement de la Chaos Magic dans les années 70. Il était déjà impliqué dans l’occulte, mais ce nouveau courant magique par son côté rigoureux et moderne, largement influencé et mis en forme par Peter J. Carroll, attira son attention.

Depuis 1972, il a écrit et publié plusieurs livres remarqués pour leur influence sur la magie du 20e siècle. Ses œuvres les plus connues sont SSOTBME – An Essay on Magic et Thundersqueak.

Outre son influence sur la Chaos Magick, Ramsey Dukes a également travaillé au sein d’ordres magiques comme l’Ordo Templi Orientis et les Illuminates of Thanateros.

SSOTBME Revised : An Essay on Magic. Mouse That Spins, 2002. ISBN 0-904311-08-2

Thundersqueak, avec Liz Angerford et Ambrose Lee, Mouse That Spins. ISBN 0-904311-12-0

Words Made Flesh, Mouse That Spins. ISBN 0-904311-11-2

BLAST Your Way to Megabuck$ with my SECRET Sex-Power Formula. Mouse That Spins. ISBN 0-904311-13-9

The Good, the Bad the Funny, avec Adamai Philotunus. Mouse That Spins, 2002. ISBN 0-904311-10-4

What I Did in My Holidays : Essays on Black Magic, Satanism, Devil Worship and Other Niceties. Mandrake of Oxford, 1999. ISBN 1-869928-52-0

Uncle Ramsey’s Little Book of Demons : The Positive Advantages of the Personification of Life’s Problems. Aeon Books, 2005. ISBN 1-904658-09-1

Interview de Ramsey Dukes tiré de « Head Magazine »

Q : Comment caractériserais-tu ton écriture (quel est ton centre d’intérêt dans l’écriture – politique, philosophique, occulte, scientifique…) ?

Ramsey : J’adore l’expression de Cornelius Agrippa « philosophie occulte ». Je pense que si je m’étiquetais moi-même comme « philosophe », ce serait quelque peu prétentieux, mais « occulte » est un magnifique mot. Je suis, cependant, plus intéressé par la philosophie qui le sous-tend que par la description d’une liste de pratiques ou de choses que les gens devraient faire.

Q : Peux-tu brièvement décrire ton parcours occulte (ton association avec les diverses organisations et comment tu es entré dans l’occultisme) ?

Ramsey : Au plus loin que je puisse me souvenir, j’ai toujours été intéressé par les arcanes. Lorsque j’étais enfant, il y avait un ami de mon père que l’on me décrivait comme un magicien et je me souviens avoir été très intrigué et avoir posé des questions au sujet de la magie. Ce n’est que bien des années plus tard que j’ai découvert qu’il était un disciple de Crowley. Les gens disent que ce fut sans doute une influence pour moi : je pense que j’ai simplement toujours eu un intérêt pour la chose. Il est indéniable que l’événement le plus significatif à long terme, fut le jour où, durant ma onzième année, à l’école préparatoire, j’ai lu une critique du livre d’Abramelin le Mage que Watkins venait de rééditer. Je l’ai commandé à la bibliothèque de Gloucester et je l’ai lu. Ayant toujours été intéressé par la magie, mais sans être sûr qu’il y ait quelque à y trouver, ce fut le premier livre qui m’a semblé véritablement sérieux à ce sujet. Bien sûr, il décrivait un système qu’un adulte devait entreprendre, mais j’étais certain que dès que j’aurais grandi je serais capable de m’y appliquer. Maintenant, en réalité, je ne l’ai fait que vers 1977, bien des années après. Bien que j’aie pratiqué pas mal la magie – assis à la maison méditant et expérimentant – la pratique d’Abramelin fut la première discipline magique formelle que j’ai essayée. Je n’avais encore rejoint aucun groupe, non parce que je ne le voulais pas, mais parce que je vivais dans la campagne profonde et qu’il n’était pas facile d’entrer en contact avec eux. Ils étaient tous trop loin et ce n’est que bien après Abramelin que des amis m’initièrent au sein d’un groupe magique plutôt expérimental. Plus tard, au travers de la « Society », qui était un club de Gerald Suster, je rencontrai David Rietti et je m’impliquai alors dans l’OTO.

Q : Es-tu toujours impliqué dans l’occulte pour les mêmes raisons ou celles-ci ont-elles changé ?

Ramsey : Une question difficile à laquelle je ne peux donner de réponse simple. C’est ma nature profonde d’être engagé dans l’occultisme et cela n’a pas changé. Mon implication comporte de grands moments – les amis que je m’y suis faits, les pratiques que j’ai pu tester, etc., tout cela s’ajoute à la raison pour laquelle je reste accroché à l’occultisme. Cependant, je réalise que je cherche à présent des choses différentes. Mais ces raisons sont très superficielles. C’est juste une simple curiosité de la vie et c’est la motivation la plus forte ; cela, en un sens, n’a jamais changé.

Q : Où te situes-tu dans la relation entre la théorie et la pratique ?

Ramsey : Au tout début de mes écrits, j’aurais dit que j’étais un théoricien. En fait, je me serais senti quelque peu honteux de cela, car j’étais très touché par les gens qui voyaient mon œuvre comme pratique ; donc, j’ai réfléchi à ce sujet et je réalise que, bien que je ne décrive pas les pratiques – en disant aux gens quoi faire, comment porter les robes, où se tenir dans le rituel et toutes ces choses– je donne des idées et des moyens de percevoir le monde. Le truc avec une idée est que tu peux la mettre en pratique assez rapidement. Si je dis « avez-vous déjà pensé à regarder le monde de cette manière ? », c’est une chose assez pratique à condition qu’elle soit posée clairement. Je pense que j’écris de manière assez limpide et donc, en ce sens, j’offre aux gens des outils mentaux qu’ils peuvent utiliser. Ce ne sont que des outils mentaux, mais ils restent pratiques, car ce sont des moyens de penser que les gens peuvent appliquer directement.

Q : Que penses-tu des autres célébrités (par exemple Dee, Crowley, Spare, Bardon, La Vey, Hakim Bey, Carroll, etc.) ? Ont-ils eu une influence sur toi ?

Ramsey : Eh bien, j’ai un esprit de « recyclage ». J’entends, je prends, je lis des choses – des articles ou la couverture de livres… Beaucoup de tout cela entre en moi et est, apparemment, oublié, puis ensuite réémerge, transformé, sous une forme nouvelle. Ce n’est pas facile de dire d’où viennent mes idées. En fait, c’est un des facteurs qui m’incite à écrire sous un pseudonyme, car je me méfie d’une prétention trop forte à la propriété d’une idée que je pourrais défendre ensuite contre la récupération par d’autres. Je réalise qu’il y a de nombreuses idées qui volent dans les airs comme des ondes radio et sur lesquelles je me branche afin de les exprimer. D’un autre côté, je suis très conscient de deux influences, car je peux les percevoir très clairement. La première est celle de Crowley et la seconde est celle de Spare. Ce que je retire de Crowley, je pense, c’est sa méthode. De nombreux écrivains ont écrit à propos de choses comme le plan astral ou la lumière astrale en des termes selon lesquels ce serait de « l’éther luminiféreux » ou autre chose. Crowley n’a pas fait cette erreur d’essayer d’expliquer comment quelque chose fonctionne. Il a dit : « j’ai réalisé ces actions et j’ai remarqué ces résultats ». Il a décrit les choses de manière très expérimentale, et c’est ce qui m’a attiré vers Crowley et c’est ce qui continue à le faire. Ce que je n’ai pas pris chez Crowley, c’est une théorie, car il était un explorateur d’idées. D’un autre côté, Spare, lorsque j’ai lu ses œuvres, j’y ai trouvé la théorie de la magie. L’idée que nous, nos croyances, forment le monde que nous observons – une théorie basique simple. J’ai pris cela de Spare. Je pense que la méthode intellectuelle me vient de Crowley et que la théorie de base vient de Spare. Il y a ensuite quantité de choses qui me viennent d’autres personnes qui ne peuvent être retracées aussi facilement.

Q : Pourquoi penses-tu que les gens sont toujours attirés par le mysticisme et l’occulte alors que le terrain est clairement dominé par les fraudes et les disputes ?

Ramsey : C’est un peu comme dire que les gens sont toujours intéressés par le sexe alors que l’industrie du sexe est totalement corrompue et perverse. Je pense que certaines personnes ont une réelle fascination pour la perversion, la fraude et la tricherie, ce qui renforce mon point de vue – le sexe est, en réalité, plus intrigant du fait de l’aura de perversion qui l’entoure. Je ne suis pas sûr que cela s’applique aussi à moi, mais je pense que l’occulte est également quelque chose par lequel tu peux être attiré à cause de son côté pervers, corrupteur. Une des idées que j’émets dans The Charlatan and the Magus est que peut-être l’existence elle-même est corruptrice et que l’humanité essaie toujours d’éliminer la corruption, ce qui est tout aussi dangereux que d’avaler des antibiotiques qui, bien qu’ils tuent les germes, tuent aussi d’autres choses dans ton corps que tu dois, ensuite, recouvrer. L’univers lui-même est riche en corruption et cela fait partie de la nourriture de la vie. Nous devons travailler sur nos conceptions surdimensionnées de l’hygiène.

Q : Thundersqueak, tout en étant une très bonne introduction au versant pratique de l’occulte, peut aussi être perçu comme l’un des textes fondateurs de la Chaos, si ce n’est celui qui fait avancer la Chaosphère. Quelles étaient tes intentions lorsque tu l’as écrit ?

Ramsey : J’étais conscient de choses assez personnelles : c’était comme un écrivain en moi qui désirait s’exprimer. J’avais écrit SSOTBME, qui était assez cool, concis dans sa présentation des concepts de la magie et je sentais qu’il y avait quelque chose d’encore plus confus que je voulais exprimer, que je ne pouvais ciseler de la même manière. Je l’ai fait en le concevant comme un dialogue entre deux personnages, Agerford et Léa. Il y a beaucoup de cela dans le livre, je sais où regarder et je peux voir ces deux forces que je devais exprimer. C’était dans mon esprit depuis des années. Au départ, il y avait beaucoup d’amertume, mais en l’écrivant je l’ai adoucie.

Q : Quel est ton lien avec l’élite de la Chaos, considérant ta participation à la conférence UKAOS ?

Ramsey : Je n’ai pas de relation proche avec l’élite de la Chaos, à cause principalement de la géographie. Je ne suis pas très bon dans ce genre de choses. Je ne sais pas pourquoi. Je sais que la distance géographique est un problème. Je n’aime pas traverser le pays afin de rejoindre un groupe, participer et ensuite repartir. Maintenant, je cherche quelque chose de plus local. Ce sont les gens que j’aime à considérer comme des amis. J’aime leur compagnie lorsque je suis avec eux. La raison pour laquelle je ne suis pas plus proche de l’élite de la Chaos n’a rien à voir avec un sentiment intime, ou une critique à leur encontre ; c’est juste que cela s’est mis en place de cette manière.

Q : Comment vois-tu le développement de la Chaodoxie dans les années à venir ?

Ramsey : C’est une question qui m’intrigue. Je vois un problème surgir, car nous sommes maintenant dans une ère de fascination de la religion, ce qui en un sens est l’antithèse de l’esprit de la Chaos. Je pense qu’il y a une demande pour quelque chose comme « une religion de la Chaos », ce terme est peut-être trop fort, mais les gens veulent quelque chose de cristallisé, quelque chose de solide en lieu et place de la religion – une nation chaote ou quelque chose de ce genre. Je pense que ce serait une crise pour le mouvement. Je ne sais pas comment on s’en arrangerait. La proposition que j’ai faite lors de la conférence UKAOS était de prendre ce problème au corps. Je l’ai fait en poussant dans cette direction et en disant « regardez, il y a un service de la religion chaote, pouvons-nous apprendre quelque chose de ça ? Pouvons-nous apprendre à reconnaître les dangers et aussi à en reconnaître les possibilités ? Pouvons-nous marcher sur cette lame de rasoir et y survivre ? »

[…]

Interview de Ramsey Dukes. Traduction française par Spartakus FreeMann, octobre 2008 e.v.

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