Par Julian Wilde
Je trouve inconcevable que tant d’occultistes de talent restent accrochés à une vision du monde pervertie et post-victorienne. La Golden Dawn et les autres mouvements de ce genre ont offert au monde de grands pionniers/guerriers – et je reconnais ici ma dette et ma gratitude envers eux, mais l’on ne peut décemment plus se traîner poussivement dans leurs traces usées en espérant (par quelque processus de magie sympathique ?) qu’une parcelle de leurs triomphes et de leurs pouvoirs déteigne sur nous ; si vous suivez les pas d’un dinosaure, tout ce que vous pourrez en retirer sera quelques crottes et des os – maigres récompenses pour l’œuvre d’une vie entière. Un fossile n’est pas une créature vivante ; découvrir et faire sienne la réalité d’un autre peut être utile et gratifiant, mais c’est également médiocre.
Par exemple, prenons l’un des plus grands pionniers qui soit – Aleister Crowley. Pourquoi élire comme guide du voyage intérieur un homme qui ne pouvait apparemment entrer en communication avec son ange gardien qu’au travers de longs et fastidieux rituels et dont l’entité tutélaire ne savait communiquer que de manière cryptique et enfantine ? Dans le climat actuel, le Livre de la Loi est un chef-d’œuvre surestimé pour toutes ces raisons. Il est significatif qu’Aïwass, héraut du nouvel éon, encourage Crowley à utiliser d’antiques et traditionnelles représentations des dieux (grecs, égyptiens, etc.) ; cela est sans nul doute dû au fait qu’Aïwass est une émanation de la troisième sphère de l’Arbre de Vie, la sphère de Saturne (le gouverneur du Verseau). Les savants kabbalistes et les personnes dotées d’un peu d’intuition devraient être capables de comprendre de telles implications.
Il n’est nul besoin d’endurer les rituels absurdes et ennuyeux d’Abramelin pour réaliser que l’on peut surpasser Crowley.
Il est tout aussi ridicule qu’une accumulation confuse et floue de demi-vérités et d’interprétations infantiles connue sous le nom de Sainte Bible – un tome ou une tombe de la « Loi », des chroniques d’une culture morte – puisse encore conserver une autorité « spirituelle » quelconque. L’un de ses passages les plus pertinents (extrait du Livre de l’Apocalypse) est un avertissement (et l’indice d’une terreur) à peine voilé contre l’ouverture des chakras et le réveil prématuré de la part endormie du cerveau reptilien – un chakra mineur mais potentiellement létal qui peut être ressenti et excité en inondant l’arrière de la nuque, là où l’épine dorsale rejoint le crâne. C’est cette peur précisément qui a incité Lovecraft à renier vigoureusement ses propres visions claustrophobes d’entités serpentines gigantesques inspirées par le mythique Necronomicon – un grimoire assez répandu de nos jours.
Je dois cependant avouer qu’il est parfois trompeur de juger un système ou une cosmologie sur sa source. J’ai un ami qui a puisé son élan initial dans le Seigneur des Anneaux de Tolkien ; la vision du monde et les techniques magiques qui en ont résulté étaient bien loin d’être féériques ; son travail est sombre, empli de vengeances, sanglant et efficace.
Une Condamnation. « A condemnation », extrait de Grimoire of Chaos Magick par Julian Wilde, Sorcerer’s Apprentice Press, 1986. Une version électronique de cet ouvrage, réalisée par Phil Legard en 1999, est disponible sur le site Occult Underground. Traduction française par Spartakus FreeMann, 2010.