Par Persona Navitae 353
Le Chaos est souvent associé avec le désordre, la disharmonie, ces derniers n’étant pas considérés comme des états par eux-mêmes, leurs dénominations les pointant comme « non naturels ». Le préfixe « Dis- » en l’occurrence, signifie « absence de » ou « opposé à », ce qui tend à nous indiquer que ce ne sont pas là des états normaux de la réalité. Bien, mais tout ceci nous offre-t-il une image valide du Chaos ?
Je différencie la Kaos du Chaos afin de souligner l’aspect particulier des énergies kaotiques, énergies de pure créativité. En un sens, l’idée de désordre n’est pas une mauvaise définition, c’est la perspective qui n’est pas bonne. Les forces créatrices sont plurielles. Elles se concentrent en autant d’endroits que possible, sous autant d’aspects que possible. Un bon exemple est le monde animal. Les mutations sont la règle, les espèces qui ne changent pas peuvent en crever. Les dinosaures, par exemple, ont survécu, mais sous une forme radicalement différente de leurs ancêtres. Nous les voyons tous les jours, ce sont nos oiseaux. Ils ont muté et ont survécu. La diversité des espèces animales a permis la perpétuation de la vie sur Terre. Mais la diversité mène souvent, malheureusement, à la compétition et au conflit. Plus il y a de créativité à l’œuvre et plus grande sera la dissonance. Les forces du Kaos n’œuvrent pas pour la discorde cependant, c’est la conséquence du système vivant.
J’ai entendu parler pour la première fois de l’aspect créateur du chaos dans les livres de Michael Moorcock. Dans l’univers de son roman Eternal Champion, on rencontre deux groupes de Dieux/Déesses, celui de la Loi et celui du Chaos. Les dieux/déesses de la Loi ne font l’objet que de peu d’attention dans ce texte, Moorcocks les considérant comme des êtres qui s’occupent en priorité d’eux-mêmes. Les divinités du Chaos, quant à elles, sont des forces actives et vivantes. Elles sont en perpétuelle interférence avec les affaires des mortels. Elles ont créé les anciennes races, les Elfin, et comme nous le découvrons plus tard, les races plus jeunes, les Humains. Il est intéressant de noter que l’on ne nous dit jamais pourquoi. Les races plus anciennes ont le sentiment que les Dieux/Déesses du Chaos les ont trahis en créant les nouvelles races. Mais c’est là la nature du Chaos qui n’est ni moral ni immoral. Les divinités du Chaos n’ont d’ailleurs aucun plan spécifique. Le lecteur est laissé avec cette impression que ces dieux œuvrent sans but particulier.
Ce que montrent les livres de Moorcock ce sont les puissances fécondantes du pur Chaos qui changent sans cesse de forme. Le pays où ils résident est dans un flux continuel ; des champs de fleurs éclosent dans une myriade de flammes, de fantastiques châteaux varient sans cesse de dimension.
Le Kaos est créateur. J’utilise le « K » afin de le différencier du « chaos » et afin de souligner sa dimension magique. Le « K » est la onzième lettre de la plupart des alphabets et dans la Kabbale, cette lettre signifie la « paume de la main ».
La paume est l’un des canaux du courant néolithique et celtique où nous voyons le Dieu Cornu assis avec une main levée et une main abaissée vers le sol. Il conduit les énergies terrestres vers le haut et les énergies célestes vers le bas. Ceci est similaire aux forces tantriques jouant dans l’élévation de la Kundalini à partir du chakra Mulhadara, le centre de la Terre, jusqu’au Sahasra chakra, le centre Céleste. Dans le Tantra, cependant, les énergies sont internes, élevées le long de la colonne vertébrale et ramenées vers leur source. Dans la pratique chamanique, les énergies sont canalisées au travers du corps, mais elles n’y demeurent pas. Dans la Kaos Magick, ce sont deux œuvres magiques importantes.
La onzième lettre équivaut à Da’ath sur l’Arbre de Vie. Elle est la « connaissance » et la porte vers la Cité des Pyramides. Les kabbalistes considéraient ce nombre comme maudit. Ils travaillaient pour l’ancien dieu, Yahweh, qui préfère que l’humanité demeure dans l’état d’esclavage. Crowley a pénétré dans la Cité et il en parle dans le Liber 418. C’est là que lui fut communiqué son véritable nom, Némo. Alors qu’il se trouvait dans cet endroit, il fut dit a Crowley : « L’œil est appelé Septante, et le triple aleph par lequel tu le perçois, divisé par le nombre du mot terrible, est la clé des Abysses ». Le triple septante vaut 210, le triple œil de Ayin, ou de Seth, la carte du Diable dans le Tarot qui représente l’unification des opposés dans le Tantra : le -1 et le 1 ; -1+1=0. Ceci est symbolisé par l’Ankh, la ligne inférieure étant le monde de la pluralité, la barre verticale étant la barrière vers la Conscience étendue et le cercle représentant l’être illuminé.
Cette onzième lettre, le K évoque également la combinaison des énergies mâles et femelles, ce qui fait partie du processus créateur de l’Univers. Onze c’est six et cinq, l’Étoile à onze branches dessinée par Crowley. Cinq est la femelle, Babalon, le lotus aux cinq pétales, le pentagramme inversé du livre de Thoth. Il s’élève de la fondation stable du quatre, la Terre, vers l’hexagramme. C’est une énergie dynamique. Dans le Tantra c’est Kali, l’aspect créateur de l’Univers, du moins comme l’entendent les alchimistes.
Le Six et le Cinq s’unissent dans le Onze. Les énergies créatrices pures de Kali se cristallisent dans les formes Elémentales. Combinés, ils donnent l’Étoile à Onze branches de la Magick. En tant que magiciens, l’un de nos buts est de discerner les mystères et, au travers de la Gnose et de la Volonté, devenir des créateurs d’êtres.
La lettre suivante dans Kaos est le « A ». Le commencement, l’As du Tarot. C’est la première étape après la canalisation des énergies créatrices, le commencement de l’œuvre magique et le but du néophyte, l’achèvement du Grand Œuvre, la découverte du Graal.
Omega est la troisième lettre, la fin. Au sein du Kaos est le commencement, l’Arché, et la fin, le Télos. Le Kaos est complet par et en lui-même, inséminé par sa propre volonté. Dans la Très Ancienne Déesse des mythes créateurs, nous percevons souvent le processus parthénogénique. La Déesse s’élève des eaux du Chaos et crée à partir d’elle-même son consort divin, le Serpent. C’est la dernière lettre, le « S ». Il est le Logos, le transmetteur de la Gnose divine. Il est Hermès, Thoth et Legba. L’ouvreur de la voie. Dans le jardin, l’humanité était comme les animaux. Le Serpent, envoyé en tant que messager divin, a offert à l’humanité la Gnose, ou la Connaissance afin qu’elle se transforme. Cette Gnose est la connaissance du processus créateur, la Magick, et avec elle nous devenons plus que des animaux. Nous avons quitté le jardin de notre propre volonté.
Dans la physique, la matière est considérée comme un état particulier de l’énergie. Enlevez une certaine quantité d’énergie, et elle tombe dans un état moins actif, ajoutez-y de l’énergie et elle se transforme en un autre état d’énergie. La Kaos est de l’énergie, l’Ordre est un état stable. Du pur Kaos, des eaux de Nuit, viennent les quatre Dieux/Déesses de l’Ordre et du Chaos. En utilisant la cosmogonie égyptienne, Seth est le Dieu du Kaos ordonné, Nephthys est la Déesse du Kaos chaotique, Osiris est le Dieu ordonné de l’Ordre et Isis la Déesse Kaotique de l’Ordre.
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Les magiciens sont ceux qui cherchent à comprendre l’univers et à travailler avec lui. Nous reconnaissons les forces du Kaos comme sources véritables de la Gnose et par la Volonté nous devenons des Prêtres/Prêtresses des Divinités Sombres. Tandis que nous progressons de l’état de Néophyte vers celui de Mage nous faisons face aux forces oppressives de l’Ancien Éon avec connaissance, force et créativité par lesquelles se manifestent les forces du Kaos : Kali, Arcana, Oshun, Sophia.
Dans la Lumière, la Vie, l’Amour et la Liberté.
Kaos et Ordre. Par Persona Navitae 353. Traduction française par Spartakus FreeMann, octobre 2008 e.v.