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Une mise en garde à tous ceux qui voudraient devenir des magiciens blancs

Un texte de Ramsey Dukes : Une mise en garde à tous ceux qui voudraient devenir des magiciens blancs. 

Je me souviens, il y a longtemps, d’un morne dimanche matin, dans un comté lointain où j’attendais un bus en tremblant. Notre groupe devenait de plus en plus furieux et gelé.

Quand un bus arriva, très en retard, et que le conducteur nous dit qu’il ne pouvait prendre un seul passager de plus… nous aurions pu le mettre en charpie. Il protesta contre notre colère en disant que cela n’était pas juste : il y avait une grève ce jour-là et il était le seul, avec un très petit nombre, qui avait décidé de travailler par sens du devoir. Tout ce qu’il reçut pour sa peine fut une tirade de griefs de passagers mécontents comme nous. La prochaine fois, il se mettrait en grève comme les autres.

Plus récemment, j’ai essayé d’appeler le service national d’information et – après nombre de numéros occupés, indisponibles, d’absences de réponse et de messages enregistrés qui me renvoyaient simplement vers d’autres numéros occupés – je réussissais à trouver un être humain qui me répondit d’un bureau en Écosse.

Je lui dis : “Avant que nous ne commencions, je voudrais dire que j’ai essayé à peu près vingt bureaux avant d’avoir une réponse…” Il m’interrompit pour me dire qu’il savait ce que j’allais dire, et me pria de ne pas continuer. Je poursuivais en précisant que je n’avais pas l’intention de le blâmer à ce sujet, car il était le seul à faire son travail, mais je voulais qu’il me donne le nom d’une personne à qui je pourrais écrire afin de me plaindre, car il n’était pas juste qu’un employé comme lui doive subir la pression de clients furieux comme moi. J’avais de toute évidence appris quelque chose de ce lointain dimanche matin.

En retour, il fut tellement soulagé qu’il me remercia et me dit qu’il espérait que d’autres personnes aient la même attitude. Il semble que la tendance à blâmer la personne la plus accessible soit la norme : que le monde tende encore à frapper la minorité qui a décidé de le servir.

Cela semble être une loi cosmique ; et cela fonctionne comme tel. Disons que vous êtes un citadin qui vient d’entendre parler des maux infligés par la civilisation humaine à l’environnement et que vous décidiez que vous n’y participerez plus. Vous vendez alors votre appartement et vous vous installez dans une petite propriété bio dans la campagne la plus reculée, déterminé à vivre votre vie en harmonie et sans exploiter la Nature. Je suspecte à présent que, au fond de votre coeur, vous vous attendez à ce que la Nature vous remercie pour cela : vous couvre de son abondance ; fasse briller le soleil sur vos efforts ; fasse germer généreusement vos semailles. En fait, c’est l’inverse qui arrivera : vous devez vous attendre à un accueil très décevant ; au pire temps du siècle ; à une épidémie de nouvelles maladies agricoles, à la maladie de la chèvre folle, aux poulets à la dioxine et à toutes les calamités que vous pouvez imaginer, plus une foule d’autres encore. Pendant ce temps, le fermier industriel au-dessus de la colline fait des bénéfices records et la valeur des appartements en ville grimpe…

Comme pour ce conducteur de bus, ceux qui décident qu’il est temps d’écouter la Nature doivent s’attendre à avoir les oreilles pleines de griefs. Ceux qui vont dans un pays du Tiers Monde pour aider ceux qui y sont dans le besoin, doivent s’attendre à être brisés sur la Roue de la Politique. Ceux qui décident de renforcer la sensibilité dans les relations humaines s’attirent une vie infernale de la part de leur partenaire. Ceux qui veulent régénérer les idées finiront occultés en elles. Ceux qui s’incarnent pour sauver le monde seront crucifiés.

En fait, ceux qui, conduits par la curiosité et leur conscience, se détournent de la cacophonie de la Réalité superficielle pour écouter les voix du vent, des étoiles et de l’esprit, ne doivent s’attendre à aucune récompense pour leur engagement. Au contraire, ils doivent se préparer à subir la rage des négligés.

Une mise en garde à tous ceux qui voudraient devenir des magiciens blancs, Ramsey Dukes. Extrait de What I Did in My Holidays édité par Mandrake d’Oxford. Traduction Spartakus FreeMann, Libertalia, avril 2002.

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