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La posture de la mort : les instructions définitives

Par Alan Chapman

« La posture de la mort », est une technique décrite par Austin Osman Spare dans son ouvrage The book of pleasure, visant à atteindre un état de transe. Cette technique est souvent citée ou reprise par des auteurs qui veulent généralement voir dans le texte original trois variantes de cette posture et en faire, par ailleurs, un outil destiné à la création de sigils.

Avec l’aimable autorisation de l’auteur, nous traduisons ici un article effectuant une mise au point sur la méthodologie et les finalités de cette technique.

La « Posture de la Mort » est la technique magique la plus mal comprise au monde.

Et de loin.

Cette technique est décrite dans le Livre du Plaisir d’Austin Osman Spare et je peux comprendre la confusion dans laquelle se trouvent, de prime abord, les lecteurs concernant cette posture, après tout, les écrits de Spare sont déments.

Cependant, une simple relecture de la page concernée suffit à dissiper les malentendus. Je suis tenté d’en conclure que les erreurs relatives à la Posture de la Mort présentes dans de nombreux livres, magazines et sites web, proviennent de ce que la plupart des gens ne veulent pas s’embêter à chercher la vérité.

Le Rituel et la Doctrine.

Les instructions occupent trois paragraphes. Je les présente suivant l’ordre dans lequel elles sont livrées dans le texte :

« Reposant confortablement sur le dos, le corps exprimant l’abandon de l’assoupissement, soupirant en imaginant dans un sourire, voilà l’idée de la posture. Oublieux du temps et de ces choses dites essentielles – reflet de leur insignifiance, l’instant est au-delà du temps et sa vertu s’est déjà manifestée ».

« Debout sur la pointe des pieds, les mains jointes au bout des bras tendus dans le dos, le étirés et tendus à l’extrême, le cou allongé – respirant profondément et de manière spasmodique, jusqu’à ce que le vertige éclate d’un coup, entraînant l’épuisement et l’aptitude ».

« Fixe ton reflet jusqu’à ce qu’il devienne flou et que tu ne saches plus qui est l’observateur, ferme alors tes yeux (cela arrive habituellement de manière involontaire) et visualise. À la lumière (toujours un X aux mouvements étranges) alors perçue, tu dois attacher ton regard et ne pas la laisser s’évanouir, jusqu’à en oublier l’impression d’effort, ce qui donne un sentiment d’immensité (qui voit une petite forme) dont tu ne peux atteindre les limites. Ceci devrait être pratiqué avant ce qui a été dit précédemment. L’émotion ressentie est la connaissance qui te dit le pourquoi ».

Il semble alors évident que la Posture de la Mort est totalement ouverte à l’interprétation, qu’il n’y a pas une seule et unique posture, depuis la rétention du souffle jusqu’à l’observation dans le miroir… Ah oui, et on l’utilise pour « charger » des sigils.

Quelle connerie ! Si nous relisons ces trois paragraphes, nous voyons que le second (où l’on se tient sur la pointe des pieds) se conclut par « entraînant l’épuisement et l’aptitude ». En d’autres mots, c’est un exercice préliminaire à la posture décrite dans le premier paragraphe.

De la même façon, sur l’exercice donné dans le troisième paragraphe, on nous dit : « Ceci devrait être pratiqué avant ce qui a été dit précédemment ». Il s’agit donc d’un exercice préliminaire devant être effectué avant les instructions des paragraphes un et deux.

La Posture de la Mort correcte est par conséquent livrée dans le premier paragraphe : « Reposant confortablement sur le dos, le corps exprimant les conditions de l’assoupissement, soupirant en imaginant dans un sourire, voilà l’idée de la posture. Oublieux du temps et de ces choses qui sont essentielles – reflet de leur insignifiance, le moment est au-delà du temps et sa vertu s’est déjà manifestée ».

Donc, pour clarifier :

1) On s’observe dans le miroir jusqu’à ce que notre reflet nous paraisse bizarre. Il est vrai que les indications de Spare qui nous dit de fermer les yeux et de visualiser, avant de nous décrire que l’on doit voir (un X aux curieux mouvements), n’aident pas vraiment. Personnellement, j’interprète cela comme une image résiduelle sur la rétine – ce qui est rend cet exercice très similaire à un exercice bouddhiste, le plus important étant de se concentrer sur quelque chose que l’on ne laisse pas laisser s’évanouir jusqu’à ce « sentiment d’immensité (qui voit une petite forme) dont tu ne peux atteindre les limites. »

Quoi qu’il en soit, Spare est assez explicite sur la nécessité d’expérimenter cette phase bien avant de pratiquer la Posture de la Mort proprement dite. En d’autres termes, vous devez avoir atteint un certain degré d’efficacité dans la concentration. En connaissant le passé magique de Spare, je crois qu’il décrit ici la Dhyana.

Notons qu’il n’y a rien de particulièrement directif concernant cet exercice de concentration, ainsi que Spare nous l’indique un peu plus loin : « il y a de nombreux exercices, aussi innombrables que les péchés, aussi futiles en eux-mêmes, mais significatifs des moyens ultimes ».

Une fois la Dhyana atteinte, on peut poursuivre vers la Posture de la Mort elle-même.

2) La Posture de la Mort requiert un certain degré de relaxation et dans ce but, il est possible d’étirer son corps tout en hyperventilant. Bien entendu, on peut tout aussi bien courir ou lever des haltères, le but étant d’être suffisamment détendu pour pratiquer correctement la posture.

Pour être clair : retenir son souffle jusqu’à en défaillir n’est PAS la posture de la mort.

3) Autrement dit, une fois atteint un certain niveau de compétence dans la concentration (c’est-à-dire une fois que l’on est capable d’entrer en Dhyana ou en transe), on peut dès lors pratiquer la posture. Je crois que la véritable difficulté intellectuelle pour comprendre le texte réside dans le fait que Spare semble nous dire « soyez couchés, bâillez et laissez aller tous vos soucis ». Ca ne peut pas être ça, si ?

Merde, j’ai retenu ma respiration jusqu’ici…

Paragraphe 4.

La posture consiste bien à reposer sur le dos, détendu, sans soucis des choses mondaines. Cependant, si vous pensez qu’il recommande la relaxation pour elle-même, alors vous ratez le coche.

Si nous jetons un œil sur le paragraphe suivant (page 18 du Livre du Plaisir), Spare nous dit ceci concernant la Posture de la Mort : « expérimente cela comme étant la négation de toute foi, la fin de la dualité de la conscience ».

Et :

« Connais la Posture de laMort et sa réalité dans l’annihilation de la loi – l’ascension à partir de la dualité ».

Le but de la posture de la mort n’est pas d’atteindre la « gnose » afin de « charger » un sigil, mais d’expérimenter le non-duel. Spare nous parle de Samadhi ou de l’expérience de ce qu’il appelle Kia.

Il en parle plus loin en détail : « Le vide primordial (ou croyance primordiale) n’est pas atteint par la concentration de l’esprit sur la négation de toutes les choses perceptibles, de l’identité, de l’unité et de la dualité, du chaos et de l’uniformité, etc., mais par sa réalisation maintenant et pas plus tard. Perçois, et ressens sans besoin de référer à un principe contraire, mais par ce qui lui est intrinsèque. Perçois la lumière sans l’ombre, par sa propre couleur en guise de contraste, en évoquant l’émotion du rire au moment de l’extase de l’union, et par la pratique, jusqu’à ce que l’émotion soit sans peine et subtile. La loi ou la réaction est vaincue par l’inclusion… Pratique quotidiennement, jusqu’à ce que tu parviennes au centre du désir. Tu imites le Grand But… Ainsi, en éloignant la croyance et la semence de la conception, elles deviennent simples et cosmiques. »

La « vacuité primordiale », ou Kia, est atteinte en cultivant une conscience de la sensation immédiate. Par exemple, au lieu d’expérimenter une sensation et de la connaître en tant que « lumière », on fait la simple expérience de la sensation. L’attitude mentale correcte est celle qui est expérimentée lorsque l’on rit ; vous acceptez toutes les expériences et sensations (dont la sensation des pensées) sans aucune résistance.

Si cette attitude « inclusive » est pratiquée quotidiennement, vous expérimenterez en fin de compte un état de non-dualité et de désir.

Les points communs entre les instructions de Spare et celles du Bouddha sont assez frappants. La Posture de la Mort permet d’accéder au même type de conscience que la Perspicacité ou Vipassana qui ne peut être réellement pratiquée qu’une fois atteint un certain degré de maîtrise des techniques de concentration.

Un résumé pratique.

1) Pratiquez des exercices de concentration jusqu’à ce que vous fassiez l’expérience de la Dhyana ;

2) Exercez-vous à être conscient de toutes les sensations et expériences tandis qu’elles naissent sans fixer votre attention sur elles ou sans les identifier à l’une ou l’autre chose (l’attitude correcte peut être produite par le sourire ou par le rire). C’est plus facile à réaliser lorsque l’on est détendu, pratiquer après un exercice physique est l’idéal.

Pratiquer le Vipassana ou la méditation taoïste donnera exactement le même résultat.

Enseignement fondamental.

Dans 16 chapitres du Livre du Plaisir, 8 traitent exclusivement du non-duel ou du Kia, soit en exposant les vertus de cette recherche de la non-dualité, soit en fournissant des instructions pour l’atteindre, soit encore en détaillant les bénéfices qui en résultent (ce que Spare nomme « l’Amour de Soi »).

Spare s’intéresse essentiellement à l’hédonisme (je pense que le titre du livre est éloquent à ce sujet). Si vous voulez obtenir le plus d’extase et de plaisir possible, si vous désirez le plus grand degré de satisfaction, alors vous devriez vous intéresser au non-duel : « Celui qui est sage dans sa recherche du plaisir, ayant réalisé qu’il y a « différents degrés dans le désir » et jamais de désirable, abandonne à la fois la Vertu et le Vice et devient un Kiaiste. Chevauchant le Requin de son désir, il traverse l’océan du principe duel et s’engage dans l’amour de soi. L’Amour de Soi est l’état qui résulte de l’expérience du non-duel, obtenue par la pratique quotidienne de la Posture de la Mort. C’est la Libération du Désir ».

Dites-moi, qu’est-ce qui donne le plus de plaisir : l’utilisation des sigils pour obtenir un résultat magique ou la transcendance de tous les désirs ?

Pendant longtemps, Spare a été encensé comme le père de la « Chaos Magick » et comme l’inventeur de la magie des sigils. Cependant, ce que je pense être sa plus grande réussite – l’enseignement central de son livre, a été soit mal compris, perçu comme n’étant qu’un élément arbitraire de la magie des sceaux, soit complètement ignoré car considéré comme les égarements d’un mystique.

Grâce à sa Posture de la Mort, Spare a réussi à distiller l’essence de la pratique méditative en une méthode simple, facile et amusante pour l’accomplissement magique ; pas seulement dans un but spirituel élevé, mais également pour le plaisir.

Si vous pensez toujours que la magie n’a rien à voir avec le mysticisme, ou qu’elle ne se concentre que sur l’obtention de résultats matériels, alors jetez un oeil au titre du livre par lequel « tout a commencé » : Le Livre du Plaisir (Amour de Soi), la Psychologie de l’Extase.

La posture de la mort © Alan, février 2007. Titre original de l’article : « The Death Posture : A Definitive Instruction ». Traduction française par Melmothia & Spartakus FreeMann, février 2009 e.v. Texte original sur le site The Baptist Head.

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