Le problème de Guénon par Dragna Din
Le problème majeur de Guénon c’est qu’il n’a jamais été un opératif. Il a toujours jugé de l’extérieur, de manière désincarnée, jusqu’à sa rencontre avec le soufisme. C’est un taxidermiste de bibliothèque de la mystique. Sa préférence allant à certains animaux, il dénigre, naturellement, les autres qu’il ne connaît qu’exotériquement.
Catholique de naissance, il semble ne pas en avoir perçu l’essence ; il passe chez Papus, par désœuvrement intellectuel suite à l’échec de ses études mathématiques ; il se passionne pour l’occultisme de l’époque avant de tout abandonner face au projet de maçonnerie spiritualiste. Non sans avoir préalablement revêtu les habits d’évêque gnostique – il prétendra plus tard avoir voulu détruire le mouvement, la belle affaire ! Il était le petit toutou de Papus en la matière et ses pages sur la gnose et l’Église gnostique de France sont d’anthologie ! Il en voulait le petit Monseigneur Guénon, Tau Palingenius in ecclesia !
Il réfutera le spiritisme de Kardec sans jamais avoir pratiqué autrement qu’en spectateur et son avis de public non averti est le sien. Son livre est une bouillabaisse intellectuelle et pseudo-mystique cachant les remugles d’une pensée réactionnaire et d’un petit esprit fermé à son temps. Il s’affilie – de loin encore – à la HB of L de Paschal Beverly Randolph (lire sa Magia Sexualis, un pur régal d’électronique) et il s’immisce alors dans le conflit qui s’est engagé entre ce dernier et Blavatsky. Une lutte à mort qui verra l’édition de la plaquette désincarnée de Guénon sur la théosophie.
Guénon s’est aussi rêvé templier, de salon – point trop n’en faut ! Du temps de l’Église gnostique de France, d’ailleurs et à l’aide du spiritisme – tiens, tiens ! Son échec là, comme en mathématique, lui fera haïr le mouvement spiritualiste qui mettait trop en exergue ses défaillances.
Dépité, le pauvre, revient au catholicisme de son enfance – non sans avoir gyrovagué dans la taoïsme de Matgoï, l’hindouisme de foire et dans d’autres salaisons hivernales. Fréquentant les milieux antimaçonniques, il en devient presque un parèdre malgré lui, mais il se ressaisit à temps, les combat, et vire à nouveau casaque pour se tourner vers le soufisme où il finira ses jours en prononçant sur son lit de mort la shahadah !
Et je crois personnellement que son engagement plus sérieux dans le soufisme provient justement qu’en ce cas particulier, il y fut opératif ! diantre si l’homme s’était moins désoeuvré sur les feux de la rampe et avait relevé ses manches, il eut pu rénover le spiritualisme papusien décadent !
Dragna Din, 2015.
René Guénon